Ping-pong

Ce billet a initialement été écrit pour les participants du Game Chef 2013, afin de décrire une technique très simple que nous utilisons dans plusieurs de nos ateliers de création et dont nous sommes servis également pour des cours dans un cadre plus académique.

Pour faire simple, il s’agit d’une méthode permettant à la fois de trouver l’inspiration et de brainstormer plus rapidement des idées potentiellement intéressantes. Sur le papier, cet outil a l’air particulièrement simpliste, voire même sans doute un peu idiot. Et nous n’allons pas essayer de vous convaincre de l’inverse. Par contre, pour l’avoir employé très souvent, et avec des groupes très différents, il n’en reste pas moins redoutablement efficace.

Idéalement, vous avez besoin de :
+ 20 minutes à une demi-heure;
+ 2 ou 3 personnes. Il est possible de le faire tout seul ou avec plus de monde, mais l’efficacité varie.
+ 1 pitch de jeu déjà relativement clair pour tout le monde, que celui soit vague (un jeu cyberpunk) ou plus spécifique (Nadia et le secret de l’eau bleue RPG).

Gardez les éléments suivants en tête :
+ L’essentiel n’est pas de donner la meilleure réponse, mais d’aller vite. Très vite même. Ça doit fuser, être instinctif.
+ Ne commentez pas ce que disent vos prédécesseurs.
+ Dès que vous avez des mots un peu trop abstraits et difficiles à définir (roleplay, gritty, shônen, système, règle, récompense, etc.), vous vous plantez. Reformulez de façon à ne pas les utiliser.
+ De même, soyez concrets. Évitez les termes vagues. Dans la mesure du possible, chiffrez.
+ Concentrez-vous sur ce que font les joueurs et les persos, ne vous préoccupez pas de savoir si ce que vous allez dire sera intégré dans l’univers, un scénario particulier ou le système.

Brainstormez en respectant les consignes suivantes :
1. Dites une phrase en commençant :
+ soit par « ce serait cool si… » et rajoutez quelque chose que vous pensez intéressante de voir dans votre jeu, peu importe que ce soit pour respecter les canons du genre, ou parce que vous voulez vous distinguez de ce qui existe déjà. Par exemple : Ce serait cool si le meneur avait son propre personnage dans le jeu.
+ soit par « si…alors… » sur la forme d’un enchaînement logique impliquant quelque chose qui doit se produire dans une certaine situation. Par exemple : Si le personnage du meneur utilise une capacité à laquelle les personnages des autres meneurs n’ont pas accès, alors il ne peut plus recommencer avant un laps de temps significatif en jeu ou 10 minutes IRL.

2. Vous pouvez toujours dire un « si…alors… ». Par contre, si la personne ayant parlé avant vous a dit un « ce serait cool si… », vous devez continuez par un « si…alors… » qui soit en rapport (et bien sûr, qui ne veuille pas dire exactement la même chose) et ne pouvez pas enchaîner avec un autre « ce serait cool si… ».

3. Vous ne pouvez pas dire exactement le contraire de quelqu’un d’autre sans y ajouter une nuance, mais vous êtes encouragé à ne pas hésiter à mettre des choses contradictoires. C’est même essentiel pour que cela marche en fait.

4. Passez à la personne suivante. Lorsque vous sentez que l’imagination commence à se tarir et que les réponses se font de plus en plus longues pour tous les participants, arrêtez.

Une fois que vous avez fini :
Vous devriez avoir tout un tas d’éléments a priori intéressants à intégrer dans votre jeu.
1. Identifiez tous les éléments qui vous semblent contradictoires ou se chevaucher (par exemple : si quelqu’un subit un dommage important alors il perd son action et si un PJ subit un dommage important, alors il rentre en frénésie et devient une bête de combat). Ce sont très probablement eux qui vont faire la richesse de votre jeu.
2. Trouver le moyen de combiner les points en question en un seul « si…alors ». Celui-ci sera sans doute complexe, mais vous pouvez intégrer des choses comme « si…et si…. alors », « mais », « sauf si… », « le meneur/joueur choisit une des options suivantes » ou même une notion de hasard. Par exemple : si un PJ subit un dommage important, son joueur choisit s’il perd son action ou s’il entre en frénésie mais que quelqu’un d’autre à la table le contrôle)
3. Quand ce n’est pas possible (ce qui n’arrive presque jamais), tranchez en enlevant l’un ou l’autre des éléments.

Très clairement, cet outil est utile essentiellement pour les premières phases d’un projet. Il est plus efficace pour définir ce qui va être intéressant à jouer qu’à rentrer dans le détail. Il restera donc encore un travail conséquent pour transformer tous ces éléments en une recette cohérente qui vous permettra d’obtenir exactement le type de parties que vous voulez générer. Vous devrez encore essayer d’optimiser la profondeur de votre jeu et/ou en réduire sa complexité, reformuler plus précisément, tester, choisir entre telle ou telle option, etc. Et bien sûr, après, il faudra encore trouver une façon élégante de le transmettre aux joueurs.

Mais, malgré cela, votre jeu devrait être déjà utilisable et testable. Pour vous en assurer :
– prenez n’importe quel système générique
– si la condition d’un « si…alors » a lieu, alors faites ce que dit le « alors » en bypassant ce que dit le système générique en question.
– maîtrisez de façon à générer des situations correspondant au « ce serait cool si… » ou permettant de déclencher les « si…alors ».
– toutes les questions qui se poseront en jeu (par exemple : Jusqu’à quand le personnage est-il en frénésie ? Comment choisit-on le joueur qui le joue?) seront utiles pour préciser les règles, l’univers ou les scénarios (etc.) par la suite. Notez-le et en jeu, n’hésitez pas soit à trancher, soit à demander aux joueurs ce qu’ils préfèrent.

Dernière modification : 22/01/2018

2 Commentaires
  • Brand

    12/11/2018 at 18 h 35 min Répondre

    Cela remonte pas mal. Je ne me souviens pas de grand chose de précis à part de discussions avec des collègues et de l’impression que tout se conçoit plus facilement en « langage naturel ».

  • Alex

    10/11/2018 at 1 h 20 min Répondre

    De quoi s’inspire, ou quelles sont les origines, de cette technique ?

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