Old School : 10 principes

On parle rarement de parties Old School sur ce blog. On y cause parfois de vieux jeux, parce que cela ne peut pas faire de mal de connaître ses classiques ou de se rappeler que certaines roues ont déjà été inventées, ou parce que certains auteurs viennent partager leurs trucs, mais on y parle rarement du Old school comme façon de jouer. Pourtant, celle-ci est tout sauf inintéressante. C’est sans doute parce que j’ai assez rarement l’occasion de m’y adonner directement, sur une table non virtuelle, et sur des jeux faits pour ça. Pourtant, même si je suis très loin d’être un spécialiste, je suis persuadé que pas mal des choses que j’apprécie dans une partie – et donc qu’une part non négligeable de mon système zéro quand je mène sans vouloir émuler un genre spécifique – viennent directement de là.

 

Du coup, j’en profite pour traduire à la hache un article de Brent Dedeaux paru dans sa colonne « Tales from the Rocket House » sur RPG.net qu’il m’a autorisé à le reprendre et à le diffuser ici. Pour faire simple, je trouve qu’il explique assez bien ce qui pour lui fait le cœur-même de cette façon de jouer. Ce n’était pas forcément l’objectif initial, qui était davantage destiné à ceux qui souhaitent bidouiller les anciens systèmes sans en perdre l’esprit (c’est pour cela que vous y trouverez pas mal de considérations techniques), mais cela me semble faire largement le boulot. Naturellement, pour ceux que ce genre de choses intéressent et qui ne le connaîtrait pas déjà, je ne saurais trop vous conseiller d’aller également faire un tour vers le Quick Primer for Old School Gaming de Matthew Finch. À noter qu’on le trouve aussi en français dans la traduction de la boîte blanche de Sword & Wizardy.

 

Bref, c’est à chacun de se faire une idée de la pertinence de ces différents points, mais je trouvais intéressant d’avoir le point de vue de quelqu’un qui a mis le temps de coucher tout ça par écrit. Si vous souhaitez en rajouter, ou n’êtes pas d’accord avec tel ou tel point (et que vous pensez pratiquer le jeu à l’ancienne), n’hésitez pas à commenter ce billet. Cela filera toujours du grain à moudre !

 

10 éléments essentiels de D&D à l’ancienne

 

Dans mon précédent article, j’ai évoqué à quel point il était facile de bricoler les anciennes versions de Donj’ (boîte blanche, boîte rouge, etc.). Tout ceci m’amène logiquement à la question : jusqu’où peut-on les modifier et quand même conserver ce qui fait l’essence même d’un Donj’ à l’ancienne ? D’autres personnes auraient sans doute des réponses très différentes, mais voici la mienne. Elle tient en 10 principes à suivre pour conserver cet esprit.

 

1) Avec des personnages de premier niveau, c’est une véritable boucherie.

Au premier niveau, les personnages doivent être fragiles, et vous devrez sans doute en perdre un certain nombre — voire beaucoup — avant d’atteindre le second niveau. En terme de règles, je pense que c’est très difficile à faire sans une mécanique gérant l’expérience et la progression par paliers. À mon avis, des augmentations plus continues ne provoqueraient sans doute pas le même ressenti. Si vous n’êtes pas sûrs de comprendre à quoi je fais allusion, ce compte rendu évoque le ressenti en question bien mieux que je ne pourrais le faire : http://forum.rpg.net/showthread.php?676099-B-X-Misadventures-in-randomly-generated-dungeons.

 

Cela nécessite également que les personnages commencent le jeu en étant fragiles (faciles à tuer, donc), mais deviennent rapidement bien plus résistants. Cela ne veut pas dire qu’il faut obligatoirement passer par une logique de points de vie, mais cela fait 40 ans que ce genre de mécaniques fait le boulot. Franchement, il y a peu de chances que passer à un système de blessures présente un gain suffisant pour justifier l’effort de convertir tous les PNJ et monstres créés jusqu’à présent.

 

2) Arpenter des donjons, au moins durant les premiers niveaux.

De mon point de vue, D&D n’est ni un jeu d’aventures épiques ni un jeu de manœuvres politiques. Ce n’est pas non plus un jeu pour rejouer des histoires vues ailleurs. C’est un jeu où on passe les premiers niveaux à explorer des donjons. Un personnage qui survit au dixième niveau peut commencer à construire des places fortes ou fonder des royaumes, mais on ne doit pas commencer par ça.

 

3) Les compétences du joueur avant tout.

En premier lieu, D&D est un jeu. Les phrases de types « Mais mon personnage devrait savoir faire ça ! » ou « Ton personnage ne peut pas être au courant ! » n’ont pas vraiment leur place dans une partie. Les joueurs doivent retirer leurs gants et se donner à fond, au mieux de leurs capacités intellectuelles. De la même façon que dans l’autre sens, ils ne peuvent pas demander aux dés de penser à leur place.

 

4) Un personnage ne peut pas tout faire tout seul. Travailler en groupe est indispensable.

C’est à ça que servent les classes dans D&D. Par contre, d’un point de vue règles, rien n’oblige à se servir d’une telle mécanique. L’essentiel, c’est que le système soit assez grossier pour que les personnages aient tous leurs spécialités comme leurs lacunes et qu’ils aient besoin de l’aide des autres.

 

5) Plus de points d’expérience pour les trésors que pour les tueries.

Beaucoup de jeux tournent principalement autour du fait de foutre des raclées au méchants. Mais le Donj’ à l’ancienne est en fait plus réaliste… dans le sens où c’est beaucoup plus intelligent pour les joueurs d’éviter les combats. Vous gagnez autant d’expérience pour ce coffre de pièces d’or que vous réussissiez à le subtiliser discrètement qu’en massacrant la moitié des monstres du coin. Par contre, si vous êtes discrets, vous ne perdrez pas la moitié de votre groupe pour y arriver.

 

6) La table de réaction et la capacité à discuter, corrompre ou mentir pour se sortir d’un combat.

Ce n’est pas sans lien avec le point précédent. L’idée, c’est que ce n’est pas parce que les monstres vous repèrent que vous devez obligatoirement les combattre. Et franchement, si vous pouvez réussir à vous épargner cette tâche, c’est ce qu’il y a de mieux pour vous. Certaines éditions recommandent même de donner des points d’expériences lorsque l’on se débarrasse des ennemis en discutant. De plus, les jets de moral pour les monstres et les PNJ impliquent que vous pouvez être victorieux sans que tout le monde ne combatte à mort.

 

7) En d’autres termes, le Donj’ à l’ancienne tient plus de l’exploration et du braquage que du « tuez-les tous et prenez leur matos ».

Au moins, c’est comme ça que je le vois. Vous n’êtes pas juste des « héros » tuant des « monstres » parce que vous êtes les « gentils » et qu’ils sont les « méchants » parce que c’est ce qu’indiquent vos alignements respectifs. En fait, vous évitez de tuer si vous le pouvez. Votre objectif est de rentrer dans le donjon, de choper les trésors et de ressortir sans que trop de membres du groupe n’y passent. Je l’ai déjà comparé à The Walking Dead, mais je pourrais également mentionner Leverage.

 

8) Ce n’est pas non plus une épopée où vous sauvez le monde.

Ce n’est pas une espèce d’ersatz de Tolkien ramené à un niveau de stupidité le rendant particulièrement insipide (les elfes c’est les gentils, les orcs c’est les méchants), mais quelque chose d’à la fois plus complexe et moins épique. Les personnages débutants n’ont pas vocation à sauver le monde. Ils ne sont mêmes pas capables de l’imaginer. Ils veulent survivre assez longtemps pour mettre un pécule de côté de telle façon qu’ils auront peut-être un peu d’influence sur la région où ils vivent. Et ils sont prêts à risquer mille morts atroces pour y arriver…

 

9) Injuste, déséquilibré, imprévisible.

Quelques exemples ? Les premiers niveaux des donjons ne sont pas juste peuplés de monstres à un dé de vie. Cette épée que vous venez de trouver peut faire de vous un grand guerrier ou vous dominer totalement. Un simple jet de sauvegarde loupé et cela peut être la fin du voyage. Les paladins et les psys sont extrêmement puissants, mais il vous faut avoir réussi à obtenir des jets exceptionnels pour pouvoir en jouer. Bien sûr, la création aléatoire joue une part très importante dans tout ça, mais cela pourrait en être autrement.

 

10) Vous n’êtes jamais à l’abri.

Le danger ne s’arrête pas quand les personnages arrivent au niveau 2. Ni au troisième d’ailleurs. Les attaques des nécrophages suffisent à les réduire. Les jets de sauvegarde dont l’enjeu est la vie du personnage abondent. Un souffle de dragon peut balayer en un coup tout un groupe de niveau 6 ou 7. On n’arrive jamais à un stade où les personnages peuvent se précipiter vers l’avant en bombant le torse, tirant sur tout ce qui bouge et sans se préoccuper des pièges. Au moins, pas avant qu’ils soient à un niveau tel qu’ils se retrouvent à la tête d’armées (OD&D) ou au beau milieu des affaires de demi-dieux (les éditions suivantes).

 

Les dix points ci-dessus sont donc mes « éléments essentiels » du Donj’ à l’ancienne. Tous ne vous iront peut-être pas. Toutefois, je crois que toute modification des règles doit essayer de respecter ces principes, faute de quoi vous allez perdre justement ce qui faisait l’intérêt premier d’OD&D. Or, ce sont justement des choses que la plupart des « nouvelles éditions », des « D&D-likes » (comme Palladium Fantasy Roleplaying) ou que les crève-cœur maison ont tendance à perdre de vue. Bien que centraux, ces points sont souvent vus comme des erreurs ou des bugs, comme des accidents plutôt que comme des preuves que qualité. Et lorsqu’ils sont « réparés », on a généralement des jeux qui sont ironiquement bien moins intéressants, jamais meilleurs en tous cas et qui réinventent Tolkien.

3 Commentaires
  • Nobboc

    04/12/2020 at 15 h 14 min Répondre

    « Tout ce que j’ai pu lire induit quand même une relation ambigue dans le sens où le jet de charisme simple pour baratiner est toujours possible. »

    L’idée étant de ne s’en remettre au jet de dés (et donc aux risques du hasard) qu’en dernier recours. En gros, si tu dois laisser décider le dé, c’est que tu as mal joué. Ce n’est pas clairement écrit dans les règles (dans les jeux OSR récents, si, souvent) mais c’est induit par le système et la fragilité des personnages. S’en remettre au hasard du dé et un risque à éviter en « jouant bien ».

  • Alex

    15/11/2018 at 0 h 07 min Répondre

    Je pense au contraire que c’est le point fondamental. On ne trouve pas un piège avec un jet réussi de perception, mais on indique ce qu’on regarde, comment on tate le sol avec une perche, etc.

  • Doc Dandy

    01/02/2018 at 14 h 19 min Répondre

    Sur le point 3 j’ai quand même l’impression que c’est le fruit de la pratique de D&D sur la durée que c’est imposé cette idée. Je n’arrive pas à trouver de chapitres dans les vieilles éditions de Donj’ qui explicitent clairement cet aspect du jeu. Tout ce que j’ai pu lire induit quand même une relation ambigue dans le sens où le jet de charisme simple pour baratiner est toujours possible.

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