Donner du relief à une échoppe

Si vous êtes sur notre site, il est probable qu’à un moment où un autre vous ayez entendu parler de notre Boîte à outils du meneur de jeu ou de la collection de livres dans laquelle il s’inscrit, Sortir de l’auberge. Toutefois, même si ce recueil est d’une taille conséquente, il y a également plein de choses que l’on n’a pas pu mettre dedans. On essaye de les recycler ici, en essayant de limiter l’essentiel à la longueur d’un post-it. Oui, ça veut dire que des fois, on écrit très petit.


Cette fois-ci, nous allons nous intéresser à une des rares phases de jeu qui est souvent moins intéressante quand elle est interprétée que quand elle est gérée techniquement : le passage chez les commerçants. Entre les discussions qui ne servent à rien et les marchandages qui s’éternisent, nombreux sont les meneurs et les joueurs qui préfèrent tout simplement les éviter. Pourtant, il existe quelques astuces pour faire de ces magasins des lieux qui fournissent bien plus d’opportunités de jeu que l’achat ou la revente d’équipement. Si vous avez déjà passé des heures à flâner dans une boutique de jeu de rôle, ou à y discuter avec les passionnés qui la tiennent ou qui y traînent, vous voyez sans doute de quoi on parle…

1) Au-delà des marchandises, que venez-vous vraiment chercher dans cette échoppe ?

+ Des conseils sur la spécialité de la boutique ou ses partenaires.
+ Des informations supplémentaires sur un objet spécifique.
+ Des ragots, rumeurs ou informations sur ce qui se passe en ville ou, de façon bien plus locale, dans le quartier voire la rue devant la boutique.
+ Du travail, un contact nécessaire à une mission, etc.
+ Une cellule de résistants, un syndicat clandestin, un speakeasy, etc.
+ Le chapitre local d’une secte mondiale, qui se réunit justement ce soir.
+ Des contacts ou de l’influence politique.
+ Un financement, une subvention, un mécène, etc.
+ Un café, de la compagnie ou une communauté.

2) Qui espérez-vous vraiment y rencontrer ?

+ La célébrité à qui appartient la boutique ou la chaîne de boutiques.
+ Le père du marchand, dont vous êtes amoureux.
+ Son apprenti, qui est bien trop bavard pour son bien.
+ Sa grand-mère qui donne toujours les meilleurs conseils, mais qui n’a aucun sens du commerce.
+ Le commis qui vous en rajoute toujours un petit peu plus, parce que c’est vous.
+ Un client dont vous cherchez à retrouver la trace.
+ Le garçon de course qui a été témoin d’un incident ou l’a provoqué.
+ N’importe qui, du moment que ce n’est plus la patronne, qui ne veut plus vous faire crédit.

3) Qu’est-ce que vous y trouvez et qui n’est pas disponible ailleurs ? En quoi les marchandises sont elles uniques ?

+Des collections limitées, une couleur, un goût, un thème, une « ligne éditoriale », etc.
+ Le savoir-faire unique de l’artisan.
+ Sa capacité à réinventer les classiques.
+ Sa capacité à les plagier pour une bouchée de pain.
+ Tout est d’occasion ou a déjà vécu. Quelle société jetterait des objets fonctionnels ?
+ Des marchandises exotiques en provenance d’une contrée lointaine.
+ Un type de confection bien précis (style, interdit religieux, allergies, etc.).
+ Des produits qu’on ne trouve que sous le manteau.
+ Des objets volés à des personnes bien précises.
+ Des stocks quand tous les autres ont été dévalisés (au sens propre ou figuré).
+ Un crédit que vous devriez pourtant refuser.
+ Le prestige de la distinction (marque, nom, dépense ostentatoire, etc.).
+ La discrétion.

4) Qu’est-ce que la maison refuse de vendre ?

+ Ce qu’elle n’a pas fabriqué elle-même.
+ Ce qu’elle pense être de moindre qualité.
+ Ce qu’elle juge trop cher ou trop accessible.
+ Ce qui est contraire à son éthique, sa religion, etc.
+ Ce qui est cuisiné à base de noix de coco ou représente un chat.
+ Ce qui n’est pas de couleur noire.
+ Ce qui est fait par des créateurs, une faction ou un pays avec laquelle elle ne s’entend pas.
+ Ce qui n’est pas légal.
+ Ce qu’elle s’est engagé à ne pas proposer à ses clients auprès des consœurs, sa guilde, etc.
+ Ce qui pourrait nuire à la carrière politique de la patronne.
+ Rien. Ou tout. Selon qui demande.

5) En fonction de quoi se font les arrivages ?

+ Des conditions météorologiques ou de la saison.
+ De ce que peuvent produire les mines ou les artisans.
+ Des arrivées de caravanes ou de bateaux.
+ Du nombre de colporteurs ou autres voyageurs qui arpentent la région.
+ De ce que la patronne a négocié au marché quelques heures plus tôt.
+ De ce qui a pu passer le blocus ou les douanes sans être saisi.
+ De ce que les habitués n’ont pas déjà réservé.
+ Du peu de protection des convois d’une autre faction.
+ Des pots-de-vin que perçoivent certains officiels.
+ D’enchères secrètes dont le public doit être tenu à l’écart pour son propre bien.
+ De ce que le commis pensait qu’il allait vendre ou pas. Il s’est trompé.
+ De si les silos à grain des villages de la frontière ont été brûlés.
+ Du nombre de gladiateurs morts dans l’arène la veille.

6) Qui sont les autres clients ? En quoi sont-ils mieux servis ?

+ Personne n’est bien servi ici. La boutique sert avant tout à la consommation personnelle.
+ Les habitués. Ils sont avertis des prochains arrivages et y ont accès en priorité.
+ Ceux qui servent les ambitions politiques de la patronne, selon son intérêt.
+ Les habitants du quartier, parce qu’on les reçoit comme des amis.
+ Les vrais amis, parce qu’on peut mettre quelqu’un dehors pour s’occuper d’eux.
+ Des déçus d’un autre commerçant ou d’une faction.
+ Des membres d’un club, d’une association, d’une école ou d’un groupe spécifique.
+ Des criminels ou des membres de force de l’ordre qu’on ne veut pas fâcher.
+ Des gens que l’on se dépêche de servir pour s’occuper des vrais connaisseurs en privé.
+ Des nécessiteux dont les besoins sont effectivement plus urgents ou importants.

7) Comment est-ce que la maison négocie ?

+ Elle ne négocie pas : les produits sont en quantité limitée et sur réservation.
+ Non seulement elle ne négocie pas, mais c’est le meilleur moyen pour être mis à la porte.
+ Plutôt que réduire le prix, elle ajoute un petit quelque chose.
+ Elle ne propose que des récompenses sur la durée : entretien, achats multiples, etc.
+ Elle propose des articles de meilleure ou de moindre qualité pour s’adapter au prix négocié.
+ Elle propose du travail honnête si les personnages se plaignent trop.
+ Elle propose du travail moins honnête, mais offre la marchandise.
+ Des clients payent la différence, mais à condition que les personnages s’en aillent.
+ Elle est contrainte d’accepter ce que les personnages demandent, mais la communauté remarque que les personnages profitent d’un de leurs membres dans une situation désespérée.

8) Quel est le rapport avec les autres boutiques ?

+ Un des employés s’énerve après un client qui est allé acheter ailleurs.
+ Un autre médit sur la qualité ou la morale d’un de ses concurrents.
+ Le concurrent serait un ancien apprenti, à qui elle a tout appris et qu’elle n’a pas voulu garder.
+ La boutique en fournit une autre, plus prestigieuse, qui ne fait qu’ajouter son poinçon.
+ Au contraire, elle se fait livrer du matériel d’un concurrent pour ses propres besoins.
+ La boutique ne survit qu’en rachetant les stocks de celles moins fortunées à vil prix.
+ La patronne a un poste important dans la guilde, ou désire s’en emparer.
+ Elle refuse de la rejoindre et doit faire face aux intimidations.
+ La garde arrive pour saisir la marchandise qui appartiendrait à un autre.
+ Plusieurs échoppes s’entendent sur les produits que vend chacune d’entre elles.
+ La patronne insiste bien trop pour que vous disiez à un concurrent que vous venez de sa part.
+ Elle vous demande de noter les prix qu’ils pratiquent ou d’acheter un de leurs produits bien spécifique discrètement et de le lui amener.

9) Qu’est-ce qu’il est tellement facile de rater ?

+ Une trace de sang, sur la base d’un produit présent sur l’étal.
+ Un objet magique ou extrêmement rare, dont le vendeur n’a pas conscience de la valeur.
+ Une vieille carte à l’intérieur d’un contenant inattendu.
+ Le poinçon d’une société secrète sur une dague en apparence ordinaire.
+ Une reconnaissance de dette étonnement élevée, tombée sous un meuble.
+ Que le vieux mouchoir est brodé des initiales d’un membre de la famille royale.
+ Un insecte exotique porteur de germes qui le sont tout autant.
+ Une liste de noms dont 7 sont rayés. Certains correspondent à des disparus.
+ Un familier qui vous observe alors que vous vous croyez seuls.
+ L’enchantement qui protège la boutique.
+ Que le nom de la patronne est le même que celui de ses principaux concurrents.
+ Que les esprits s’échauffent dans l’arrière-boutique.

En résumé :

1) Permettez aux personnages d’y revenir. Si vous voulez faire de votre boutique un lieu unique, traitez-la comme telle. Trouvez-lui un nom, des traits saillants, etc. Idem pour votre marchand. Voyez-la comme le moyen d’accéder à une communauté et non à un stock.
2) Adaptez les objets et liez-les aux boutiques. Personnalisez-les, expliquez en quoi ils ne sont pas parfaits et se distinguent. Parlez de ce que l’on peut trouver et de ce qui n’y est pas, ou pas pour l’instant. Tout est toujours en quantité limité et personne ne possède tous les articles possibles d’une même catégorie. Donner un intérêt et un risque à la réservation. Organisez la pénurie, la rareté et les variations de prix. Si vous une boutique disparaît, ses marchandises ne sont plus disponibles ou via des moyens qui racontent aussi une histoire.
3) Ne négociez pas. C’est très souvent l’élément le moins important. Concentrez-vous sur le temps passé en jeu et les opportunités procurées. Si les personnages sont optimisés en marchandage, servez-vous de ce test pour proposer plus ou moins d’éléments de jeu (contacts, informations, etc.) selon le résultat.
4) Dévoilez. Un passage à la boutique devrait toujours apprendre quelque chose sur au moins deux des trois points suivants : l’affaire en cours, le cadre, le monde. Cela peut venir des ragots, comme des personnes présentes ou de la description de la provenance des produits.

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